Reality and its shadow
{ a dialogue between genetics and mythological stories } Les sciences comme les mythes nous permettent d’habiter le monde.
Le régime de la preuve et celui de la révélation n’ont pourtant pas coutume d’entrer en dialogue. C’est ce face-à-face que j’ai tenté de provoquer à travers Le réel et son double qui célèbre les noces secrètes entre la génétique et les grands récits mythologiques. L’ADN et les mythes se transmettent de génération en génération. L’un et l’autre connaissent des mutations, des variations, qui s’opèrent à travers le temps et produisent une richesse foisonnante, tant dans la diversité des identités génétiques que dans la profusion des récits. Les gènes et les mythes cheminent parallèlement, les uns habitant les cellules et les corps, les autres habitant l’esprit et excitant l’imagination. Leur rencontre provient d’une nécessité : l’ADN est invisible, et l’imaginaire qui l’enveloppe presque uniquement dicté par ce que les scientifiques nous en rapportent. Sa découverte est encore trop récente pour avoir fait l’objet de réels métissages et de représentations capables de nous révéler la puissance intrinsèque de cette molécule.
À l’instar des grandes forces cosmogoniques, l’ADN n’a de cesse de réinventer le royaume des vivants et de lui offrir d’innombrables pouvoirs : celui de voir, de voler, d’enfanter, de chanter, de respirer sous l’eau et tant d’autres facultés éblouissantes dont est paré le monde vivant. Le réel et son double cherche à produire les bases d’une cosmogonie moléculaire qui embrasse la symbolique des grands mythes pour prolonger et réactualiser les questions existentielles qu’ils recouvrent, en y entrelaçant les connaissances scientifiques en matière de génétique, à la manière d’un strabisme qui nous ferait regarder en direction du mystère de la vie avec deux lignes de fuite : l'œil gauche pointant vers les mythes, l'œil droit pointé vers les sciences. C’est avec ce strabisme que j’ai conçu Le réel et son double, sans jamais chercher à les indifférencier ou pire à justifier l’un par l’autre, car le risque serait grand à vouloir offrir aux sciences un supplément d’âme et à faire la démonstration que les mythes possèdent une vérité intrinsèque. Il s’agira plutôt ici de leur donner l’occasion de cheminer ensemble, en espérant étoffer notre rapport au monde et lui donner une épaisseur nouvelle.
Le régime de la preuve et celui de la révélation n’ont pourtant pas coutume d’entrer en dialogue. C’est ce face-à-face que j’ai tenté de provoquer à travers Le réel et son double qui célèbre les noces secrètes entre la génétique et les grands récits mythologiques. L’ADN et les mythes se transmettent de génération en génération. L’un et l’autre connaissent des mutations, des variations, qui s’opèrent à travers le temps et produisent une richesse foisonnante, tant dans la diversité des identités génétiques que dans la profusion des récits. Les gènes et les mythes cheminent parallèlement, les uns habitant les cellules et les corps, les autres habitant l’esprit et excitant l’imagination. Leur rencontre provient d’une nécessité : l’ADN est invisible, et l’imaginaire qui l’enveloppe presque uniquement dicté par ce que les scientifiques nous en rapportent. Sa découverte est encore trop récente pour avoir fait l’objet de réels métissages et de représentations capables de nous révéler la puissance intrinsèque de cette molécule.
À l’instar des grandes forces cosmogoniques, l’ADN n’a de cesse de réinventer le royaume des vivants et de lui offrir d’innombrables pouvoirs : celui de voir, de voler, d’enfanter, de chanter, de respirer sous l’eau et tant d’autres facultés éblouissantes dont est paré le monde vivant. Le réel et son double cherche à produire les bases d’une cosmogonie moléculaire qui embrasse la symbolique des grands mythes pour prolonger et réactualiser les questions existentielles qu’ils recouvrent, en y entrelaçant les connaissances scientifiques en matière de génétique, à la manière d’un strabisme qui nous ferait regarder en direction du mystère de la vie avec deux lignes de fuite : l'œil gauche pointant vers les mythes, l'œil droit pointé vers les sciences. C’est avec ce strabisme que j’ai conçu Le réel et son double, sans jamais chercher à les indifférencier ou pire à justifier l’un par l’autre, car le risque serait grand à vouloir offrir aux sciences un supplément d’âme et à faire la démonstration que les mythes possèdent une vérité intrinsèque. Il s’agira plutôt ici de leur donner l’occasion de cheminer ensemble, en espérant étoffer notre rapport au monde et lui donner une épaisseur nouvelle.
Colonne de Mami Wata / Chromosome 7
J’ai donc entrepris de faire surgir de nos cellules une forêt chromosomique. Le génome humain y est agrandi trois cents mille fois, et représenté dans sa totalité à travers quarante-six colonnes portant l’ensemble de nos trente mille gènes. Que ces gènes nous protègent face aux maladies, qu’ils structurent l’architecture de notre corps ou qu’ils permettent notre sensibilité au monde, tous font écho aux grands récits mythologiques. J’ai placé chaque colonne, donc chaque chromosome, sous l’égide d’une figure mythologique, que j’ai choisie pour sa résonance avec un gène particulièrement remarquable, porté par le chromosome en question.
C’est ainsi que le chromosome 7 est rebaptisé Colonne de Mami Wata (voir ci-contre). Cette divinité aquatique du culte africain vaudou règne sur les océans où selon ses humeurs, elle est tantôt mer nourricière, tantôt puissance destructrice. De son côté, le chromosome 7 porte un gène qui permet de produire la syncytine, une protéine centrale dans la mise en place du placenta qui nous fait débuter notre vie dans un environnement aquatique. Cette membrane rend par ailleurs possibles les échanges entre la mère nourricière et l’embryon et se dresse face au système immunitaire qui pourrait détruire le corps étranger qui s’y développe. C’est comme si le placenta se trouvait investi de l’ambivalence de Mami Wata.
Les colonnes deviennent le réceptacle métaphorique d’un nouveau couple, génomique et mythologique. Ce couple entre en dialogue sous nos yeux, se donne la réplique, et nous invite à des noces inattendues entre le réel et son double. En se dressant devant nous, les colonnes offrent un autre face à face, cette fois avec nous-même. Elles fonctionnent comme des objets de projection qui permettent de se relier à des dimensions intimes qui gouvernent et influencent nos vies. Ce que nous sommes est en partie expliqué par la singularité de nos gènes, mais c’est au contact des grands récits sécrétés par les civilisations du monde entier qu’il devient possible d’appréhender nos existences dans toutes leurs complexités : parfois absurdes et injustes lorsque nos gènes dérapent, mais le plus souvent complètement sublimes si tant est que nous soyons capables de voir nos facultés élémentaires comme des pouvoirs extraordinaires.
Chacun peut alors inventer une manière de se relier à son génome et tisser une relation particulière avec lui dans le temps, en fonction des événements. On pourra rendre grâce à la colonne pour une dimension précieuse de nos vies, ou s’y confronter pour une dimension défaillante, comme dans une catharsis. Entre objet de culte, talisman biologique, trophée intime ou ex-voto, les colonnes chromosomiques deviennent le recueil stratigraphique de mythologies devenues désoxyribonucléiques.
C’est ainsi que le chromosome 7 est rebaptisé Colonne de Mami Wata (voir ci-contre). Cette divinité aquatique du culte africain vaudou règne sur les océans où selon ses humeurs, elle est tantôt mer nourricière, tantôt puissance destructrice. De son côté, le chromosome 7 porte un gène qui permet de produire la syncytine, une protéine centrale dans la mise en place du placenta qui nous fait débuter notre vie dans un environnement aquatique. Cette membrane rend par ailleurs possibles les échanges entre la mère nourricière et l’embryon et se dresse face au système immunitaire qui pourrait détruire le corps étranger qui s’y développe. C’est comme si le placenta se trouvait investi de l’ambivalence de Mami Wata.
Les colonnes deviennent le réceptacle métaphorique d’un nouveau couple, génomique et mythologique. Ce couple entre en dialogue sous nos yeux, se donne la réplique, et nous invite à des noces inattendues entre le réel et son double. En se dressant devant nous, les colonnes offrent un autre face à face, cette fois avec nous-même. Elles fonctionnent comme des objets de projection qui permettent de se relier à des dimensions intimes qui gouvernent et influencent nos vies. Ce que nous sommes est en partie expliqué par la singularité de nos gènes, mais c’est au contact des grands récits sécrétés par les civilisations du monde entier qu’il devient possible d’appréhender nos existences dans toutes leurs complexités : parfois absurdes et injustes lorsque nos gènes dérapent, mais le plus souvent complètement sublimes si tant est que nous soyons capables de voir nos facultés élémentaires comme des pouvoirs extraordinaires.
Chacun peut alors inventer une manière de se relier à son génome et tisser une relation particulière avec lui dans le temps, en fonction des événements. On pourra rendre grâce à la colonne pour une dimension précieuse de nos vies, ou s’y confronter pour une dimension défaillante, comme dans une catharsis. Entre objet de culte, talisman biologique, trophée intime ou ex-voto, les colonnes chromosomiques deviennent le recueil stratigraphique de mythologies devenues désoxyribonucléiques.
*Le réel et son double est un livre du philosophe Clément Rosset
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{extraits, 10/28 }
Inventaire illustré
{extraits, 10/28 }
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Exposition
Le réel et son double a été exposé à la Galerie Valérie Guérin [ 17.06 - 17.10.21 ]
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Édition illustrée
Un livre rassemble l’ensemble des recherches, dessins et textes accompagnant l’exposition.
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Les colonnes chromosomiques ont été développées pour Ce qui tient à un fil,
projet financé par AudiTalents
Développé avec :
Piotr Widelka
Marie Truffier
Daniel Cadot
Léo Dumont-Deslaurier
Eric Chabellard
Thomas Bonnotte